Quand ma grand-mère paternelle est décédée, j’ai aidé à vider sa maison. J’y ai trouvé une petite valise en tartan rouge et vert, cachée tout au fond d’un placard. A l’intérieur, des centaines de photos de parents inconnus et une partie de l’histoire de ma grand-mère, de sa mère, et de la mère de sa mère. Trois générations de femmes, entre Paris et la Seine-et-Marne, qui avaient conservé les quelques lettres reçues de deux hommes, un père et son fils, tous deux si aimés qu’ils héritèrent du même prénom, Désiré.

Ma grand-mère habitait une belle villa sur les falaises d’argile de Villers-sur-Mer. J’y ai passé une grande partie de mes vacances, avec mes deux sœurs et ma cousine. A part mon père qui passait de temps en temps, et mon oncle qui venait le jour de Noël, nous n’étions qu’entre femmes les trois-quarts du temps.
Ma grand-mère était un personnage un peu fantasque, clairement névrosé et qui ne pouvait imaginer un monde dont elle ne serait le centre. Un centre qui se devait d’être parfaitement habillé, chaussé, maquillé, coiffé, bijouté en toutes circonstances. Si elle n’a jamais voulu nous transmettre quoi que ce soit de son histoire, et qu’elle n’était pas la mamie gâteau classique, j’ai appris d’elle tout ce qu’il est bon de savoir pour être “une jeune fille de bonne famille”. Ainsi, j’ai su très jeune comment me faire les ongles, en évitant de vernir les bords extérieurs pour créer l’illusion d’un ongle plus long. Aujourd’hui, lorsque je mets du vernis, je fais exactement comme elle me l’a appris. Et tous les matins, alors que je n’assortis pas ma lingerie, je pense que s’il m’arrive un accident, les médecins et le personnel soignant se diront forcément : “quel laisser-aller pour une jeune fille comme il faut, ce soutien-gorge et cette culotte dépareillés”.
Petite, je ne trouvais pas ces recommandations particulièrement utiles. A vrai dire, je ne mettais pas encore de soutien-gorge et mes ongles n’étaient pas vernis. J’aurais préféré que mon unique grand-mère en vie me raconte son enfance, la vie pendant la guerre, le passage à l’adolescence, le départ de son père. Mais c’était et c’est resté jusqu’au bout, une histoire à ne pas aborder. Non pas qu’elle ait été particulièrement douloureuse, mais tout simplement cela voulait dire que ma grand-mère n’était plus la belle jeune fille d’alors. Parler de la guerre par exemple, voulait dire qu’elle était née avant 1939. Ce qui voulait dire qu’elle était vieille. Et, lorsqu’à l’école on me demanda un jour de recueillir son témoignage sur la vie pendant l’Occupation, elle me répondit: “On ne demande pas son âge à une femme.” Fin de la discussion.
Ce tabou dépassait largement les frontières de 39-45 pour englober tout ce qui précéda sa rencontre avec mon grand-père, au début des années 1950. Je ne sus jamais rien de sa mère, ni de son père, ni du reste de sa famille. J’avais simplement compris que son père les avait quittées, elle et sa mère et que la famille se limitait à très peu de monde, quelque part du côté de Fontainebleau. En bref, je ne connaissais de cette famille que ma grand-mère. Sa mère Camille, Bonne Mamie pour nous, était morte à peu près au moment de ma naissance et j’avais vaguement entendu parler de mon arrière-arrière-grand-mère qui s’appelait Eva mais qu’on appelait Tatoune sans que je n’aie jamais compris pourquoi.
Toujours est-il que cette grand-mère, malgré toute sa volonté, a vieilli. Elle a vieilli puis elle est morte. Est restée cette grande maison sur les hauteurs des Vaches Noires. Personne ne pouvait la garder; il a fallu la vendre. En trois mois, c’était presque 40 ans de vie à trier, à vider. J’ai proposé de le faire, j’avais du temps et puis c’était aussi une manière de dire au revoir à cet endroit que j’avais tant aimé et tant détesté à la fois. Il a fallu jeter tellement de choses, des livres même, dont je ne savais plus que faire. A un moment j’ai perdu pied: je m’étais peut-être attaquée à plus fort que moi. Quand quelqu’un de la famille me demandait comment les choses avançaient, je répondais toujours: “ne t’inquiète pas, tout va bien”. Je crois que personne n’était dupe mais jusqu’au dernier jour, j’ai fait semblant de ne pas douter: la maison serait prête à temps. Et en effet, petit à petit, de weekend en weekend, la maison s’est vidée. Jusqu’à ne plus être que l’ombre d’elle-même.

Mes sœurs et ma cousine se relayaient pour aider, selon les disponibilités de chacune. Un weekend, ce fut au tour de ma jeune sœur de venir. La petite valise rouge, nous l’avons trouvée tout au fond d’un placard, sur la plus haute étagère, dans la chambre où nous n’allions jamais parce qu’elle nous faisait peur. Une petite chambre à l’écart, qui donnait sur les tombes mystérieuses d’un sous-bois. Je l’avais gardée pour la fin, cette chambre un peu maudite, mais il fallait bien s’y atteler et, à trente ans, on ne doit plus avoir peur des fantômes.
Après le dîner, nous avons ouvert la valise que nous voyions pour la première fois. Elle était remplie de photos, de carnets militaires, de noms et de visages inconnus: remplie d’un monde paysan, rustique, ancien. Tout d’un coup, ma grand-mère n’était plus la diva haute en couleur que nous connaissions, mais l’enfant d’un pays rural, sombre et plat. Sur quelques photos, on la retrouvait. Elle et ses yeux cernés, son regard triste. Mais la plupart des photos nous étaient complètement étrangères.
Parmi ces clichés en noir et blanc, nous avons trouvé des lettres. Au début, une, puis deux puis tout un lot. Nous les avons prises au hasard, les avons lues à voix haute. Des lettres de guerre. Elles étaient toutes signées Désiré et étaient adressées à des femmes que nous ne connaissions pas. Puis, de lettre en lettre, nous avons commencé à comprendre. Grâce à des bribes d’histoire qui nous revenaient par-ci, par-là. Des choses sûrement entendues petites mais presque perdues. Et finalement, nous avons compris: d’un côté, il y avait une poignée de lettres envoyées par Désiré à sa femme Eva, notre arrière-arrière-grand-mère surnommée Tatoune, et à sa fille Camille, la mère de notre grand-mère. Des lettres écrites dans les tranchées de Champagne en 1914-1915. De l’autre, des dizaines de lettres envoyées par Désiré fils, aux mêmes femmes, sa mère et sa sœur, mais 25 ans plus tard, depuis le camp où il est resté prisonnier de 1939 à 1944. Cet oncle Désiré, ma grand-mère en parlait parfois. Bizarrement, elle l’appelait André.
Dans cette valise, nous avons trouvé peu de lettres de la Première Guerre. Assez vite, elles s’arrêtent : Désiré père meurt au front le 9 mai 1915. Sa dernière lettre date du 7 mai. Les lettres d’amour sont remplacées par des missives maladroites, envoyées par des camarades de front. Comment se fait-il que l’on ait aussi quelques lettres écrites par Eva et Camille ? Soit elles furent retournées à l’envoyeur, soit Désiré père les avait conservées dans son portefeuille, qu’un ami récupéra à sa mort.
Ce que l’on comprend, c’est qu’Eva est enceinte quand son mari la quitte pour combattre. Elle accouche en février 1915, soit trois mois avant la mort de son mari. Cet orphelin de guerre, elle l’appelle Désiré, lui aussi. Camille a 10 ans quand son petit frère vient au monde. Elle le chérira et le couvera au moins autant qu’Eva.

La guerre de 14-18 prend fin. Les hommes rentrent du front, la vie reprend son cours. Mais bientôt, les tensions reprennent et 1939 sonne le glas de l’Europe. Désiré fils, au régiment depuis quelques années déjà, est mobilisé, envoyé au front et fait prisonnier. Il a 25 ans et pour Eva et Camille, c’est comme si on leur arrachait le cœur à nouveau. Ce Désiré-là, elles l’aiment plus que tout. La grande majorité des lettres que nous avons retrouvées dans la petite valise, ce sont ses lettres à lui. Il écrit à sa mère Eva, à Machault, en Seine-et-Marne et à sa sœur Camille, son mari René et leur fille Pépée (ma grand-mère donc), rue Pouchet dans le 17e arrondissement de Paris. Nous n’avons aucune des réponses, évidemment. Aucune, sauf une.
Ce soir-là, avec ma sœur, nous n’avons pas pu tout lire, ni tout comprendre. J’ai fait tout envoyer chez mes parents, en me disant que je m’y plongerai un jour. Deux ans et demi plus tard, j’ai profité d’un été pour rouvrir la petite valise rouge et j’ai repris le travail tout juste amorcé à l’époque. Scrupuleusement et avec l’aide de ma mère à la dictée, j’ai retranscrit toutes ces lettres. Pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, nous avons suivi ensemble un feuilleton incroyable et des personnages qui nous étaient jusqu’alors inconnus.
Nous y avons découvert l’amour fou de Désiré père pour sa femme Eva, sur fonds de tranchées et d’accouchement douloureux; l’espoir qu’une Camille enfant plaçait en la protection divine pour son père parti combattre; la camaraderie même après la mort et l’hécatombe que fut la bataille de Champagne en mai 1915. Deux décennies plus tard, et c’est la vie de Désiré fils que nous avons suivie depuis le Stalag VA, le camp où il est fait prisonnier par les Allemands.
Au fil des ans, nous avons tremblé pour qu’il soit libéré avant l’hiver et les grands froids du Bade-Wurtemberg, pour que Camille maintenant mariée et maman puisse lui trouver une nouvelle paire de gants, du dentifrice ou une chemisette. Pour qu’elle comprenne enfin comment faire des conserves afin que son frère ne reçoive pas un ultime pâté pourri, bon pour la poubelle. Pour qu’il passe civil, même si c’est un peu angoissant ce nouveau statut dont on ne sait rien. Pour que son estomac se calme, que ses furoncles disparaissent, que ses cheveux cessent de tomber. Nous avons maudit Christiane, nous sommes réjouies d’un Châteauneuf-du-Pape arrivé à bon port, avons compté les mois et les années. Enfin, nous avons espéré avec lui qu’il revoie bientôt tout le monde. Même le grand-père et la grand-mère qui se font vieux au pays. Et à travers la vie quotidienne du camp et des Parisiens occupés, c’est la guerre qui progresse qui s’est dévoilée à demi-mots.
Jour après jour, ma mère a déchiffré l’écriture au crayon, s’est usé les yeux et les nerfs pendant que je tapais. Mais finalement, nous avons réussi à tout transcrire. Et quand ça a été fini, Eva, Mimille et Dédé nous ont comme manqué. Leurs fautes d’orthographe – toujours les mêmes – leurs tics de langage, leur tendresse. Nous avions appris à lire entre les lignes, à comprendre la vérité derrière des mots creux. Notamment dans les lettres à Eva : si elles sont moins nombreuses et moins détaillées, elles se veulent plus rassurantes. Pour sa mère, Désiré tait tout. Pour moi, ne t’inquiète pas, ça va toujours bien.
C’est comme une ritournelle, presqu’une liturgie. Les cartes postales du Stalag ne permettent pas de s’étaler. Alors il faut aller à l’essentiel, rassurer la mère et prendre des nouvelles de la famille. Pour moi, ne t’inquiète pas, ça va toujours bien. C’est dans cette répétition que nous nous rassurions, nous aussi. Un peu, pas beaucoup plus qu’Eva sûrement, mais quand même un peu. Parfois même en dépit de l’Histoire. Alors, quand Désiré rompt le rituel, qu’il n’écrit pas ça va bien mais ça va mieux ou, pire, ça va assez bien, on comprend que ça ne va pas, ça ne va pas du tout même. Pour en savoir plus, on se jette sur les lettres qu’il adresse à sa sœur. Il rassure, là aussi, mais ce n’est pas l’essentiel. Avec Camille, il peut se laisser aller à la colère, au désespoir, à la tristesse parfois. Surtout, c’est à Camille qu’il demande des colis. Et on comprend, à travers ses commandes, ce dont il manque, ce dont il souffre, ce qu’il espère.
∼

J’ai voulu publier quelques-unes de ces lettres ici. Toutes celles de 1914-15 d’abord, parce qu’elles sont si belles et si tragiques. Puis celles de 1939-44, adressées à Eva. On y voit tout en filigrane, notamment la progression de la guerre, jusqu’à cette lettre finale. La seule que l’on ait qui ne soit pas de Désiré. Ecrite par Eva, elle date du 29 juin 1944.
Dans les transcriptions, j’ai laissé l’orthographe d’origine pour les lettres de 1914-15 parce qu’elle est précieuse. J’ai pris certaines libertés sur la ponctuation pour rendre les choses parfois un peu plus claires. Pour les lettres de Désiré fils de 1939-44, j’ai corrigé là où il y avait des fautes sachant qu’il y en avait peu (à part un récurrent “je vous remerci”). J’ai aussi arrangé la ponctuation parce qu’il ne connaissait apparemment que les virgules.
Enfin, pour comprendre un peu plus facilement les échanges, voilà un topo généalogique rapide que j’ai déduit des documents trouvés dans la petite valise rouge:
Eva Auvray (mon arrière-arrière-grand-mère) se marie à Camille Friquet en 1904. Ils ont une petite fille, Camille Friquet, en 1905 (mon arrière-grand-mère). Lui est maçon mais ensemble ils reprennent l’épicerie de Machault, en Seine-et-Marne. Camille père meurt d’un coup de sabot et Eva se retrouve veuve une première fois, et mère célibataire de Camille fille.
A la veille de la Grande Guerre, Eva veuve Friquet, se remarie à Désiré Charrier. Camille fille le considère comme son père: dans les lettres, elle s’adresse à lui en disant papa. Eva accouche en février 1915 d’un petit Désiré qui ne connaîtra pas son père. Celui-ci apprend la naissance de son fils depuis les tranchées. Il meurt le 9 mai 1915 sur le front de la bataille de Champagne (Pas de Calais). Il était chasseur à pieds du 42e bataillon, 8e compagnie, 70e division. Eva est veuve une deuxième fois, avec deux enfants à élever.
Désiré et Camille ont 10 ans d’écart, deux pères différents dont ils reçoivent chacun le prénom et ils s’aiment comme un frère et une sœur. C’est Mimille et Dédé dans les lettres. Camille se marie à René Dunod. Ils habitent Paris et tiennent une boutique de postes radio dans le 17e arrondissement pendant la guerre. Ensemble, ils ont Danielle ou Danièle – les deux orthographes sont utilisées indifféremment par tout le monde et ma grand-mère n’a jamais su épeler avec certitude son propre prénom. Désiré l’appelle Pépée.

((Titre de la carte postale : Arras – Guerre 1914 – Après le bombardement des 6, 7 et 8 octobre, perspective du Beffroi et du haut de la rue St-Géry qui a été détruit.
Carte non datée mais a priori octobre ou novembre 1914))
le bombardement du mois d’octobre.
ils onts envoyer 9000 obus a l’heure en moyenne pendant 3 jours.
et tous les pays au alentour ou nous sommes son pareils.
bien le bonjour
D. Charrier
((La carte postale représente le portrait de Camille enfant))
Machault, le 17 novembre 1914
Mon cher petit papa,
Maman ta envoyer son portrait hier moi je veux te l’envoyer aussi. Nous nous portons bien et souhaite que tu sois de même. Ta fille qui taime et qui t’embrasse de tout son cœur.
Camille
(( La carte postale représente l’épicerie buvette D. Charrier de Machault
avec 3 femmes et 2 fillettes))
Machault, 28 novembre 1914
Cher petit homme,
J’espère recevoir de tes nouvelles demain. Depuis le 16 novembre je trouve le temps bien long. Ecris-moi aussitôt que tu pourras, chéri. Je m’ennuie tant depuis déjà 4 mois. S’il n’y avait pas tes lettres de temps en temps, je crois que je ne pourrais pas vivre. Chéri, à bientôt je l’espère. Reçois mille baisers de ta femme qui te chérit et qui t’aime pour la vie.
Eva Charrier.
Je viens de répondre à la mère à Joseph et à Marcel qui m’avait écrit. Ce matin Aimé nous a dit au revoir, il est maintenant à Châlons-sur-Saône.
((La carte postale représente un chat devant un vase de fleurs))
Machault, 12 décembre 1914
Cher papa,
Reçois un bonjour et beaucoup de baisers de ta fille qui t’aime et qui t’embrasse de tout son cœur. Camille.
Je viens de recevoir ta lettre du 7 décembre. Je vois que tu as reçu un colis ce qui m’étonne c’est que tu n’es pas reçu celui où il y avait une flanelle. Je l’avais envoyée avant celui-là. Tu vas en recevoir encore deux autres qui sont partis. J’espère que tu les recevras. Aujourd’hui on prépare les tonneaux et on enchasse les pommes. On va faire le cidre demain à Panfou. Je t’écrirai une lettre dimanche soir pour te dire si la journée s’est bien passée. Je termine en t’embrassant. Ta femme qui t’aime,
Eva Charrier

((Sur la carte postale est inscrit : La lettre au défenseur de la Patrie))
Machault, 17 décembre 1914
Cher petit papa,
Je pense que tu recevras ma carte le jour de Noël. Cette année nous ne ferons pas un joyeux Noël. J’irais à la messe et je priyrais beaucoup le bon Dieu pour toi. Que le bon Dieu te protège et que tu revienne bientôt avec nous. Reçoit beaucoup de baisers de ta fille qui t’aime de tout son cœur.
Camille
((La carte postale représente La Grande Guerre 1914, ARRAS
– Couvent du Saint Sacrement en flammes))
Le 5 février 1915,
Ma chère Adoré,
Deux mots pour te donner de mes nouvelles. La santé va bien. Jai reçu ta lettre du 28. Tu me dit qu’il y a déjà quelques jours que tu a pas de mes nouvelles. Tu as du en recevoir depuis. Aujourd’hui jai pas le temps de t’écrire. Demain je tenverai une lettre. Jespère tu va bien et le petit et Mimille. Ton chéri pour la vie qui t’aime et t’embrasse.
D. Charrier
((Réponse en franchise – correspondance des armées de la République))
Le 11 février 1915,
Ma chère Adoré,
Je vien d’avoir la lettre à Regina qui vient de m’apprendre la nouvelle de la naissance de mon petit fils. Ma pauvre femme tu as dut souffrir un moment d’après la nouvelle. J’espère que tout va très bien. J’espère avoir une lettre de toi au plutôt. Je peux pas t’écrire davantage je suis dans les tranchées. Demain soir je rentrerai au cantonnement si il y a pas de dérengements. On a été forcer de partir un jour plutôt. Je termine ma chérie, la santé va bien. Surtout fait tois bien soigner et ne te lève pas trop tot. Je suis heureux que sa a bien été malgré que j’étais pas vers tois. Je voudrais bien y aller au plutôt et je voudrais bien connaitre notre petit que j’aime bien.
Ton chéri que t’aime bien, qui t’embrasse.
Merci à Regina de sa nouvelle.
Mimille doit bien aimer son petit frère, elle doit être bien contente. Son père qui l’embrasse de loin,
D. Charrier
((Billet manuscrit de Désiré, deux jours avant sa mort))
Le 7 mai 1915, 5h du soir
Ma chère Adoré,
Je viens de recevoir ta lettre du 4 heureux d’avoir de tes nouvelles avant de partir au tranchées. Nous avons pas partis la nuit dernière, on nous a prévenu pour cette nuit. Sur le temps, tout les jours ils passent des orages. L’eau tombe à plein. On a pus encore dormir la nuit a l’abris. Ma chérie, tu me dit que le petit est enrhumer. Ce pauvre petit, faudra peut-être que tu le fasse voir au médecin. Peut-être que sa sera rien.
Moi pour le moment ma chérie je me porte pas trop mal. Tu me demande si j’ai besoin d’argent. J’en ai pas besoin pour le moment. J’ai bien reçu ton mandat de 20fr mais on dépense rien. Et puis je crois si sa réussi le cou qui est préparé, on trouvera rien a acheté si j’ai le bonheur de m’en sauver. Ma pauvre chérie j’ai toujours bon espoir après 9 mois de misère et de restes mais ne pas y songer.
Ma chérie tu auras peut-être pas de nouvelles tout ses jours qui vont venir. Je t’écrirai autant que je pourrai. Je viens de recevoir une lettre de Léon. Il ma envoyer des cartes lettres, sa me sera utile. Le papier est rare.
Je termine ma chérie et toujours bon espoir de nous retrouver. Ton chéri pour la vie qui t’oublie pas. Je t’embrasse mille fois. Embrasse petit chéri et Mimille pour moi. Bonjour a toute la famille.
Adieu ma chérie

((Billet manuscrit d’Aimé Auvray, frère d’Eva Charrier et compagnon de front de Désiré père.
Non daté))
Ma chère Eva, je t’assure que depuis cette maudite attaque du 9 [mai], la lutte est dure par ici et c’est tous les jours qu’il en tombe et presque au même endroit. Il n’y en reste pas beaucoup des anciens. Encore dernièrement il en est tombé encore une vingtaine de ceux-là qui avaient passé l’hiver.
Il ne faut penser qu’à cela avec tout ce qui sont capable d’employer, ces gazs asphyxiants et des jets de flamme.
Bonjours à tous. Un bon baiser à tes deux enfants.
Ton frère qui t’embrasse de tout cœur. Aimé Auvray
((Billet manuscrit d’Aimé Auvray, frère d’Eva Charrier et compagnon de front de Désiré père))
23 juin 1915, Hermain, Pas de Calais
Ma chère sœur,
A la demande que j’avais faite au capitaine au sujet de ce que tu me demandais de faire, je viens d’avoir la réponse. Le cercueil est prêt et j’irais moi-même avec quelques camarades. Je ferai aussi ce que tu me demandais en son souvenir – que je t’enverrai dans une lettre épaisse et recommandée. Ma chère sœur, je lui porterai ton bouquet et je ferai une prière sur sa tombe. Tu enverras un mandat de 35 fr à l’adresse ci-dessous
Monsieur Laurent Benjamin – Menuisier – Chez M. Aumerd-Gaillout à Hermin par Houdin – Pas de Calais
Je vais acheter aussi une petite bouteille d’eau forte. Le menuisier me donnera la mesure extérieur pour que plus tard on puisse mettre ce cercueil dans un autre plus grand.

((Lettre manuscrite d’Henri Gelin, camarade de front de Désiré Charrier))
Le 10 juillet 1915 Samedi,
Madame
Aussitôt reçu votre pénible lettre, je m’empresse de vous faire réponse, afin de pouvoir vous donner quelques détails sur votre pauvre mari. Nous étions ensemble depuis le début de la guerre, nous nous voyonts à chaque fois qui rentrais des tranchées, toujours assez gaies, nous nous contions les nouvelles du pays ce qui nous faisait plaisir. Il espérait comme beaucoup de nous allez rejoindre ceux qui lui étais les plus chers, et son petit garçon qui nous parla très souvent.
Le terrible jour de l’attaque du 9 mai, à l’assaut il fût tuer sur le coup d’une balle au cœur, dont le pauvre malheureux n’a pas souffert. Deux jours après, ils étais enterrers à la gare de Villiers-aux-Bois où j’étais de service pour les blessés, dont je les vues enterrers ce pauvre camarade.
Il est le 14e du 5e rangs, et soyez certain et persuadé chère Madame jusqu’au derniers moments que je serez auprès de lui, je ferez le nécessaire, pour entretenir sa tombe et déposez des fleurs sur son corp.
Votre frère Aimé ma recommanders, quand nous sommes été le mettre en bière, de déposez le lendemain un bouquet, je le fit de tous cœur car un si bon camarade, je ne refuserait rien. Vous pouvez comptez sur moi, je suis à votre service. Envoyer moi comme vous me dites un souvenir pour mettre sur sa tombe, je suis en attendant. Et c’est avec devoirs que je remplirais ma tâche.
Malgré qu’il étais déjà décomposer quand nous l’avonts releves, je puis vous dires que vous pouvez pleurers sur les restes de votre mari car ces biens lui.
Je ne puis vous en marquez d’avantage sur ma lettre, si je puis avoir le bonheur de pouvoir rentrer au milieu de ma famille, soyez certain que je ne vous oublierez pas et que nous pourronts causer plus que sur une lettre.
J’ai vue il y a plusieurs jours votre frère Aimé qui ce porte assez bien pour le moment. Quand à moi ma santé est assez bonne pour l’instant. Quand au billets de 5 frcs que vous m’avez mis dans la lettre pour remettre à Lheurin, il doit venir ce soir au cantonnement où je suis, et compter sur moi pour lui remettre et je lui donnerez votre adresse pour qu’il puisse vous remerciez.
Recevez chère Madame tous mes compliments et compter sur moi sur tâche que je tiens à remplir.
Votre tous dévoué
Gelin Henri
((La carte postale représente Villers-aux-Bois (P. de-C) 1919,
La Gare de Villers et le grand Cimetière des Alliés))
Caucourt, 21 avril 1921
Bien Chère Amie,
Je vous envoie cette petite carte et en même temps quelques fleurs, bien fânées, que nous avons cueillie sur la tombe de votre mari le Lundi de Pâques mais j’ai toujours rallongée de vous écrire, mais nous espérons qu’elles vous feront plaisir tout de même. Vous verrez que c’est dans ce vaste cimetière où 9 milles corps ont reposés, j’ai fait une croix a peu (reste manquant)

((Inscriptions sur la carte : Carte postale militaire –
Cette carte ne doit contenir aucune indication de localité,
aucune relation de fait militaire, aucun nom de Chef.))
Aux Armées, le mercredi 18 octobre 1939
Chère maman,
Je viens de recevoir ta lettre du 14. J’ai bien reçu ton paquet, il a fait vite pour venir. J’espère que vous êtes en bonne santé. Quant à moi ça va bien.
J’ai bien reçu aussi ton mandat. Je te remercie. Tu embrasseras bien grand-père, grand-mère et Mimille pour moi. Je t’écrirai une lettre demain. Ton fils qui t’embrasse bien tendrement.
((Carte postale militaire – Envoi de Charrier D. aux Armées.
Janvier ou avril 1940 – déduction d’après tampon de la poste
et calendrier avant reddition des armées françaises))
Ma petite maman,
Je n’ai pas encore reçu de tes nouvelles aujourd’hui. J’espère que vous êtes tous en bonne santé à Machault. Moi ne t’inquiète pas, tout va bien. Embrasse bien grand-père, grand-mère et Pépée pour moi.
Ton fils qui t’embrasse
((Sur la carte, tampon Stalag VA 9 et inscriptions :
Kriegsgefangenenpost- Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte – Carte postale
Pour faciliter la censure, prière de ne pas utiliser des enveloppes avec doublure.))
Kriegsgefangenenlager, le lundi 21 octobre 1940,
Chère maman,
J’ai bien reçu tes lettres du 21-22-29 septembre et le colis de 5kg et celui de 1 kg. Tu remercieras bien Mimille. J’espère que tu es en bonne santé ainsi que toute la famille. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va très bien. Ma petite maman, je vais te quitter, je t’embrasse bien tendrement.
Ton fils qui t’aime.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte /Carte postale
Tampon Stalag VA 54, inscription Zone occupée
La date donnée par Désirée est le 20 février 1940
mais il s’agit plus vraisemblablement du 20 février 1941))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 20 février 1941
Ma petite maman,
Je n’ai pas encore de tes nouvelles cette semaine. J’espère que ma carte te trouvera en bonne santé, ainsi que la grand-mère. Pour moi ne t’inquiète pas : ça va toujours bien. Je t’envoie une photo assez récente, elle est du mois de février, tu vois que je ne me porte pas trop mal.
Ma petite maman, je te récrirai une lettre la semaine prochaine. Je t’embrasse bien fort et grand-mère.

((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le dimanche 10 août 1941
Ma petite maman,
J’espère que tu es toujours en bonne santé ainsi que Mimille, René et Pépée. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien. La carte que Mimille m’a écrite tapée à la machine me redonne un peu d’espoir pour le retour, mais je crois qu’en France on nous aura pris pour des imbéciles jusqu’au bout. Ma petite maman, je te quitte et t’embrasse bien fort ainsi que toute la famille.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le dimanche 24 août 1941
Ma petite maman,
J’ai bien reçu ta carte du 31 juillet. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que le grand-père et la grand-mère. Je ne sais où t’écrire, peut-être que tu es à Machault mais comme cela Mimille aura la carte. Pour moi ça va bien, ne t’en fais pas. J’ai seulement le teint blanc au lieu de l’avoir rouge mais je ne m’en porte pas plus mal. Ma petite maman je t’embrasse bien fort ainsi que toute la famille.
Ton fils.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 35, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 8 février 1942
Ma petite maman,
Je viens de recevoir la carte que j’avais écrite au grand-père. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien. Ne te tracasse pas pour les vêtements chauds, Mimille m’en a envoyés au moins pour 3 ans. J’espère que je serai de retour avant pour vous embrasser.
Je te récrirai une lettre réponse dans quelques jours. Ma petite maman je t’embrasse bien tendrement ainsi que le grand-père et la grand-mère.
Ton fils.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 3 mai 1942
Ma petite maman,
Je n’ai toujours pas de tes nouvelles, j’en attends pour te répondre. Je t’ai écrit depuis Pâques une lettre et une carte réponse. J’espère que tu es toujours en bonne santé ainsi que le grand-père et la grand-mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va très bien. J’espère aller vous embrasser cette année. En attendant de tes nouvelles je t’embrasse bien tendrement ainsi que grand-père et grand-mère.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre incomplète, fin manquante))
Le 10 mai 1942,
Ma petite maman,
J’ai bien reçu cette semaine ta lettre du 28 mars. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que grand-père et grand-mère. Tu as eu la visite de Pépée pour Pâques, elle doit être bien grande à présent.
Ma petite maman, à ce que je vois, c’est toi qui ravitaille les Parisiens. Les temps sont bien changés. Enfin, j’espère que vous n’êtes pas trop malheureux à Machault. Pour Christiane, il n’y a qu’à laisser ça comme…
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 31 mai 1942
Ma petite maman,
J’espère que tu es en bonne santé ainsi que le grand-père et la grand-mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va très bien. J’attends de tes nouvelles pour t’écrire une lettre. Je n’ai pas eu de veine, Mimille dans ses deux derniers colis m’avait mis de la viande et elle était gâtée. Ils auraient mieux fait de la manger. Ma petite maman je vais te quitter, embrasse bien grand-père et grand-mère pour moi.
Ton fils qui t’aime et qui t’embrasse bien fort.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre))
Le 17 juin 1942,
Ma petite maman,
Je viens de recevoir ta lettre du 6 mai. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que les Parisiens et le grand-père et la grand-mère. Tu sais pour moi ne t’inquiète pas, ça va toujours bien. Comme cela tu vas faire des petits séjours à Paris et à Machault tu jardines ? Ça doit être bien fatigant pour toi. J’espère que tes efforts sont récompensés, maintenant tu dois avoir des légumes.
Je te l’ai déjà écrit : je n’ai pas eu de veine avec les deux derniers colis de Mimille, les pâtés et les viandes qu’elle m’avait mis étaient gâtés. Ça m’a fait bien mal au cœur.
Ma petite maman, avec Christiane maintenant c’est fini. Je ne veux pas te mettre cela dans une lettre, mais peut-être que tu le sais. Pour toi ce n’est plus la peine d’entretenir de correspondance.
Pour te faire plaisir je viens d’écrire à mon oncle Léon et je leur ai envoyé une étiquette. Ma petite maman je vais te quitter pour aujourd’hui. Je t’écrirai plus souvent maintenant. Je t’embrasse bien fort ainsi que grand-père et grand-mère.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 2, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 21 juin 1942
Chère maman,
J’ai reçu cette semaine ta carte du 26 mai. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que grand-père et mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien. Comme je te l’ai mis sur ma lettre de dimanche dernier, cesse toute relation avec Christiane, elle n’en vaut pas la peine. Tout ça c’est de la rigolade. Le plus grave, comme tu me l’écris, c’est que je rentre. Enfin j’ai espoir que ce sera pour un jour prochain. Ma petite maman je te quitte, je t’embrasse bien tendrement ainsi que grand-père et mère.
Ton fils.

((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 35, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le lundi 29 juin 1942
Ma petite maman,
Je n’ai pas reçu de tes nouvelles depuis ta carte du 26 mai. J’espère ma petite maman que tu es toujours en bonne santé, ainsi que grand-père et mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien. Nous voilà au mois de juillet et rien ne nous fait croire que l’on rentrera cette année, pourtant je voudrais bien aller t’embrasser. Ma petite maman, j’espère que tu as des beaux légumes et que la récolte a été bonne. Je te quitte en t’embrassant bien tendrement ainsi que grand-père et mère.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 35, inscription Zone occupée
Lettre))
Le 5 juillet 1942
Ma petite maman,
J’ai bien reçu cette semaine ta lettre du 3 juin. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que le grand-père et mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va très bien. Je m’étais un peu blessé au pied mais c’est guéri à présent.
Comme ça, tu m’annonces une drôle de nouvelle, mais je le savais. Tu sais ne t’en fais pas pour cela pour moi, ça ne me tracasse pas. Maintenant pourvu que tu sois en bonne santé ainsi que grand-père et mère et Mimille, René et Pépée, le reste je m’en fous donc tout va bien.
Tu essaies de me donner un peu d’espoir pour mon retour cet hiver mais tu sais je ne crois plus maintenant au Père Noël. Nous serons libérés quand tout cela sera fini. Enfin, ça pourrait arriver mais je n’y crois pas.
J’ai reçu la lettre du 26 mai de Mimille et ton colis du 3 juin. Tu sais, si tu as des haricots en trop, tu peux les lui porter pour moi. Je peux faire ma cuisine, nous avons un poêle et je travaille dans une scierie.
Ma petite maman je te quitte, surtout ne t’inquiète pas, ça va très bien. Embrasse grand-père et mère pour moi.
Ton fils qui t’aime et qui t’embrasse.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre))
Le 12 juillet 1942
Chère maman,
J’ai bien reçu cette semaine ta lettre du 22 juin ainsi que la carte à Mimille du 15 juin et ton colis du 22. Mais à ce coup-là, pas encore de veine, les deux boites de conserves que tu m’as fait souder ma petite Mimille étaient mauvaises. Je dis Mimille parce que vous devez être tous trois à Machault. Les Kubs avaient fondu sur mon tabac. Pour les conserves, il ne suffit pas de les souder, il fait faire le vide dedans en les faisant bouillir une fois serties ou soudées entre 1h1/2 ou 2h. Tu vois ça, il faut que la boite soit concave, que les bords rentrent en dedans quand tu la retires de ton eau. Si elle est bombée vous pouvez la manger de suite, elle ne se gardera pas. Celles que j’ai reçues, en les ouvrant c’était une infection.
Mais vous savez pour l’instant par cette chaleur ne vous cassez pas la tête. Tu as encore bien le temps de m’envoyer des colis car je ne suis pas sorti de là-dedans. On verra ça cet hiver, ça ne se gâtera pas.
J’espère que vous êtes tous en bonne santé, grand-père et mère doivent être heureux de vous avoir. J’espère que René va à la pêche aux écailles, au poil et au plumet. J’envoie une étiquette rose à Paris. Je t’ai envoyé dimanche dernier une carte pour des bons d’achat pour René. Je vous remercie et je vous souhaite de bonnes vacances. Je vous embrasse bien tous.
Votre fils et frère.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le dimanche 19 juillet 1942
Chère maman et Parisiens,
Je n’ai pas eu de vos nouvelles cette semaine. J’ai bien reçu le colis envoyé par la Mairie le 31 juin avec ce qu’avait ajouté Mimille. Tout était complet et en bon état, je vous remercie. Je n’écris pas à Paris, je recommencerai dimanche. J’espère que vous êtes tous en bonne santé et que vous passez des bonnes vacances. Pour moi ça va toujours très bien, ne vous inquiétez pas. J’espère que vous avez beau temps à Machault parce qu’ici il pleut bien souvent. Mais qu’il fasse beau ou mauvais on s’ennuie toujours autant. Je vous quitte en vous embrassant bien tous sans oublier grand-père et grand-mère.
Votre fils et frère.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte/ Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 26 juillet 1942
Ma petite maman,
Je n’ai pas reçu de tes nouvelles cette semaine. J’ai eu la lettre de Mimille du 9 juillet et son colis du 8. Tu dois être maintenant seule, je leur écris aujourd’hui à Paris. J’espère que tu es toujours en bonne santé ainsi que grand-père et mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien mais le temps semble toujours long et la libération ne sera sûrement pas encore pour cette année. Ma petite maman je te quitte en t’embrassant bien tendrement ainsi que grand-père et mère.
Ton fils.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 16 août 1942
Chère maman,
J’ai bien reçu cette semaine ta carte du 14 août. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que le grand-père et la grand-mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va bien. J’ai reçu en même temps la lettre que René m’a écrite le 23 juillet de Machault. Tu sais nous n’avons pas les mêmes idées, il y a longtemps que j’ai compris. Ma petite maman je vais te quitter pour aujourd’hui, la maison doit te sembler bien grande maintenant. Je t’embrasse ainsi que grand-père et grand-mère.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager– Camp des prisonniers, le 23 août 1942
Ma petite maman,
J’ai bien reçu ta lettre du 9 août et le colis de Mimille du 8. Il était en très bon état. J’espère que tu es toujours en bonne santé et que tu n’as pas été malade car tu ne termines pas ta lettre comme d’habitude. Tu m’écris moi je vais bien mieux. C’est des suppositions que je fais. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va très bien mais tu sais la vie de prisonnier il vaut mieux en parler de loin que de la vivre. Ma petite maman je t’écrirai une lettre dimanche. Je t’embrasse bien tendrement ainsi que grand-père et mère.
Ton fils.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre))
30 août 1942,
Ma petite maman,
Je n’ai pas eu de tes nouvelles cette semaine, ni de Mimille. J’ai reçu le colis de l’oncle Léon. C’était un beau colis mais j’attends la réponse de ma lettre que je lui avais écrite en même temps pour lui répondre. J’espère que tu es en bonne santé ainsi que grand-père et grand-mère et Pépée qui doit être avec toi en ce moment. Je lui ai écrit plusieurs cartes, elle ne m’a même jamais répondu. Elle ne se rappelle peut-être plus de moi.
Ma santé est toujours bonne, c’est forcé : une vie réglée comme cela à côté de pendant la guerre. Enfin j’espère bien te revoir ma petite maman et passer quelques mois à Machault avec toi, être libre. Malheureusement je n’y crois pas encore pour cette année. Il va falloir repasser un autre hiver. Ce sont de bonnes onglées en perspective. Mais ne t’inquiète pas pour moi, je retournerai t’embrasser.
Ma petite maman, je vais te quitter pour aujourd’hui. Je t’embrasse bien fort ainsi que grand-père et mère et Pépée.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Postkarte / Carte postale
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée))
Kriegsgefangenenlager – Camp des prisonniers, le 13 septembre 1942
Ma petite maman,
J’ai bien reçu ta lettre du 26 août et la carte de papier du 19. Je suis bien heureux de te savoir en bonne santé ainsi que grand-père et mère. Pépée doit être sur son départ. Pour moi ça va bien, ne t’inquiète pas. Je te remercie pour les habits que tu m’as achetés mais tu sais ne compte pas m’écouter à la radio, je ne suis pas au Stalag, je suis dans un petit Kommando. Dimanche prochain je répondrai à mon oncle Léon en Algérie. Je vous embrasse bien fort toi, grand-père et grand-mère et Pépée.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre))
2 avril 1943,
Ma petite maman,
J’ai reçu cette semaine ta carte du 7 mars ainsi que le colis de Mimille du 6. Tu lui diras, je n’ai pas reçu de lettre d’eux. Ils vont sûrement aller te voir dimanche prochain pour Pâques. J’espère ma petite maman que tu es toujours en bonne santé ainsi que la grand-mère. Pour moi ne t’inquiète pas, ça va toujours bien. En ce moment mon estomac me laisse tranquille. J’espère que ça va durer un petit moment. Comme tu le vois, je ne suis pas encore passé travailleur civil. Je n’y comprends plus rien mais je crois que ça va être pour cette semaine ou alors jamais.
Par ici maintenant il fait beau temps, c’est le printemps. Tu sais je voudrais bien aller t’embrasser cette année mais je ne sais pas si la guerre sera finie.
Le colis de Mimille était en bon état et complet. Ma petite maman, ne t’inquiète pas pour moi, ça va bien et je ne suis pas malheureux. Je travaille toujours dans la même usine en pleine campagne, pas dans une grosse ville donc je ne crains à peu près rien des bombardements. Ne t’inquiète pas.
Je vais te quitter pour aujourd’hui, en t’embrassant bien fort ainsi que grand-mère et les Parisiens.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 40, inscription Zone occupée
Lettre))
24 octobre 1943,
Ma petite maman,
J’ai reçu la semaine dernière tes cartes des 25 septembre et 1er octobre. J’espère que ma lettre te trouvera en bonne santé. Pour moi, ne t’inquiète pas, ça va toujours assez bien. J’ai un peu mal au foie de temps en temps et à l’estomac mais ce n’est rien, ne t’inquiète pas. Ça passera à mon retour. J’espère que le grand-père et la grand-mère vont toujours bien, surtout le pépère tu ne m’en parles pas.
Pour moi, toujours la même vie. J’avais signé il y a quelques mois pour passer civil, c’était tombé à l’eau. Mais voilà que maintenant on redemande des lests. Je me suis encore inscrit. Tu sais ce n’est pas la même vie, c’est tout de même un peu plus intéressant. Enfin, tenez toujours mes habits civils prêts.
Tu donneras de mes nouvelles à Mimille, je ne lui écris pas aujourd’hui. Si tu trouvais une paire de chaussures basses à m’acheter, les miennes étaient bien abimées. En tous les cas, tenez ça tout prêt, ça peut arriver d’un jour à l’autre.
Ma petite maman, je vais te quitter pour aujourd’hui. Tu es avec Pépée, j’espère que tu ne t’ennuie pas trop avec la xxx (indéchiffrable). Ecris-moi un petit mot sur cette lettre. Je vous quitte en vous embrassant bien tous tendrement.
Ton fils qui pense à toi.
((Carte postale timbrée à l’effigie d’Hitler, tampon Schwabisch Hall – Hessenthal
Date manuscrite déchirée, tampon du 19 juin 1944))
Ma petite maman,
Je n’ai pas encore eu de tes nouvelles cette semaine, ni de Mimille. J’espère que vous êtes tous en bonne santé avec tous ces bombardements de Paris. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Peut-être que Mimille, René et Pépée sont avec toi à Machault.
(suite déchirée)
Tu dois être bien contente (suite déchirée)
Maman ne t’inquiète (suite déchirée)
Ce qui m’embête c’est de ne pas avoir de vos nouvelles. Enfin j’espère que mes cartes et lettres te parviennent. Je t’écris assez souvent. J’ai reçu le colis du comité du mois de mai en bon état mais je n’ai toujours pas mes habits civils. J’espère que Mimille aura reçu mon étiquette mais pour un autre colis civil ça ne fait rien.
Ton fils.
((Lettre sur papier avec en-tête manuscrite:
Frima Fass – Fabrik und Songewerk, Schwabisch Hall, Hessenthal, Wurtemberg))
Le 25 juin 1944,
Chère maman,
Je viens de recevoir ta lettre du 31 mai, une lettre que tu m’as envoyée encore par le camp, j’ai bien reçu ta lettre du 22 mai, la lettre civile. Je t’ai répondu par une carte aussitôt. J’espère que vous avez de mes nouvelles. Je ne sais pas si le courrier marche bien en ce moment. Je reçois aussi la lettre de Mimille du 8 juin, celle-ci a fait vite. Comme cela vous voilà tous réunis à Machault, sans moi. Tu dois être bien contente ma petite maman. J’espère que vous vous portez tous bien, il n’y a que la grand-mère qui ne va pas, tu sais la mort du grand-père doit agir aussi un peu. Enfin il faut espérer qu’elle se remettra, que je puisse la revoir en rentrant.
Pour moi la santé est toujours bonne et la vie est bien changée depuis que je suis passé travailleur civil. Je ne regrette qu’une chose c’est de n’être pas passé depuis un an, mon estomac serait sûrement guéri. Je ne ressens maintenant presque plus rien. Pendant 4 ans, avaler de la soupe ça n’arrange pas non plus. Enfin, c’est fini, ce qui me manque maintenant ce sont des habits.
Je n’ai encore rien reçu, je me demande si le colis n‘est pas perdu. Mais ça ne fait qu’un mois qu’ils sont partis, ce sera peut-être pour cette semaine, mais je crois que vous ferez bien de m’envoyer un pardessus. Tu m’avais parlé que tu m’en avais acheté un. Il faut le faire tailler exactement comme mon bleu, je n’ai pas maigri et si vous pouvez m’envoyer un chapeau car la casquette par ici pour s’habiller ne se porte pas.
Je crois que cet hiver la guerre ne sera pas encore finie malgré les événements nouveaux. Le débarquement c’est encore la France qui va être saccagée. Mon vieux René vous avez bien raison de rester à Machault jusqu’à la fin de la guerre. Et surtout si je peux vous donner un conseil, j’ai vu comment cela se passait en 40, c’est de ne pas en partir même si des combats se déroulent assez près, ça ne sert à rien. Si on doit y passer, c’est le destin et pendant que l’on est parti, tout est pillé. Mais à Machault je ne crois pas que vous serez ennuyés, les combats se dérouleront plutôt au nord de Paris. Comme cela tu fais le maçon, et le jardinier. Pour la maçonnerie, tu aurais peut-être pu attendre la fin de la guerre, il doit y avoir des postes à dépanner dans le coin.
Pour moi je travaille toujours dans la même usine, plus dans la maçonnerie. Je suis affuteur de scies, c’est un travail tranquille et je suis à l’abri et toujours propre. Ça change avec le béton. Et toi ma petite Mimille et Pépée ? J’espère que la vie à Machault va vous aller. Il n’y a pas vraiment beaucoup de distractions mais Paris devait être bien calme aussi ces derniers temps.
Maintenant ce ne sera peut-être plus bien long, mais j’ai bien peur encore pour cet hiver. Je vais vous quitter pour aujourd’hui. Je vous récrirai une lettre cette semaine, j’ai droit à deux par mois.
Ma petite maman je vais me coucher. J’ai passé un bon dimanche, il a fait une journée splendide. J’ai été manger sur l’herbe avec des camarades et après à la baignade. Je vous quitte en vous embrassant tous bien fort.
Ton fils qui pense à toi.
((Kriegsgefangenenpost – Correspondance des prisonniers de guerre
Tampon Stalag VA 27
Inscription Retour à l’envoyeur – Lettre))
Machault le 29 juin 1944,
Mon cher petit garçon,
Voilà déjà un mois que nous avons de tes nouvelles. Ta dernière lettre était du 29 mai. Je pense que nous allons en recevoir ces jours-ci. A ce moment-là, tu n’avais pas encore ton colis d’habits. Peut-être l’as-tu reçu depuis et encore plusieurs colis que Mimille t’a envoyés après.
En ce moment on ne t’en envoie pas car on dit qu’ils restent dans les dépôts. Avec tous ces événements, ce n’est pas étonnant. Heureusement pour toi que tu es façonneur libre. Tu peux peut-être trouver quelque chose. Surtout, dis-nous ce qu’il te faut si on peut te l’envoyer, on fera tout notre possible.
Mimille, René et Danielle sont toujours à Machault. Je crois qu’ils feront mieux de rester jusqu’à la fin. René ne s’ennuie pas. Il se fait une belle maison dans la maison du grand-père. La grand-mère est chez moi. Elle ne se lève plus en attendant de tes nouvelles.
Je t’embrasse bien tendrement. Ta mère qui pense bien à toi. Reçois beaucoup de baisers.
Ta mère.
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